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Découverte d'une nouvelle application à l'ordinateur quantique

L'informatique quantique pour simuler les matériaux

David Poulin devant le superordinateur Mammouth.
David Poulin devant le superordinateur Mammouth.
Photo : Michel Caron

9 avril 2009

Pierre Masse

La découverte d'un professeur de la Faculté des sciences ouvre de nouvelles applications à l'ordinateur quantique : un programme d'informatique quantique permettra de simuler le fonctionnement quantique des matériaux.

Jusqu'à présent, les spécialistes de l'informatique quantique ont démontré qu'on pourrait surtout utiliser le futur ordinateur quantique en cryptographie, domaine essentiel à la sûreté des informations communiquées par Internet, par exemple.

Les travaux de David Poulin, professeur au Département de physique de l'UdeS, et de Pawel Wocjan, de la University of Central Florida, ouvrent maintenant la porte à l'utilisation de l'ordinateur quantique pour prédire le fonctionnement de nouveaux matériaux grâce à la découverte d'un algorithme quantique.

«Notre algorithme est une sorte de programme qui permet de trouver l'état fondamental d'un système, étape essentielle à la prédiction du comportement quantique d'un matériau grâce à un ordinateur quantique», précise David Poulin. Ces simulations pourraient notamment permettre d'étudier le comportement quantique de molécules prometteuses pour la mise au point de nouveaux médicaments.

«Cet algorithme pourra servir à étudier n'importe quel système où la mécanique quantique joue un rôle. Ultimement, l'ordinateur quantique pourra reproduire tout ce qu'on trouve dans la nature», ajoute le chercheur.

Du folklore à la démonstration rigoureuse

Les auteurs de cette découverte publiée le 2 avril dans Physical Review Letters, la principale revue internationale en physique, réfutent par la même occasion une orientation adoptée jusqu'à maintenant par la majorité des scientifiques dans le domaine.

«La plupart pensaient savoir comment réaliser ces calculs en combinant deux algorithmes existants. Nous avons montré que cette approche folklorique ne pouvait pas fonctionner et trouvé une solution élégante et assez simple au problème», affirme le professeur Poulin.

La découverte de nouvelles applications pour l'ordinateur quantique renforcera la motivation des chercheuses et chercheurs dans le domaine, croit le spécialiste : «Nos travaux contribuent à répondre à la question : qu'est-ce qu'on fera le jour où on aura enfin un véritable ordinateur quantique?»

Un jeu d'enfant avec un ordinateur quantique

Comparativement à un calcul classique, cet algorithme réduit de manière exponentielle la mémoire nécessaire aux opérations. «Notre superordinateur Mamouth, l'un des ordinateurs les plus puissants au Canada, arrive tout juste à simuler une vingtaine de particules quantiques malgré ses térabytes et téraflops, explique David Poulin. Simuler la dynamique de 100 particules quantiques est impensable. Pourtant, cela serait un jeu d'enfant pour un ordinateur quantique.»

Le gain de temps nécessaire au calcul n'est pas exponentiel, mais tout de même important, nuance le chercheur. Pour améliorer cet aspect, le professeur Poulin pense simplifier le calcul pour l'appliquer aux systèmes quantiques existants dont les états fondamentaux possibles sont moins complexes que ceux pris en charge par son algorithme.

Bientôt leader mondial

Diplômé en physique de l'UdeS, David Poulin est un tout nouveau professeur recruté au California Institute of Technology, une faculté ayant engendré une trentaine de Prix Nobel. Il s'est joint au professeur Alexandre Blais, un autre théoricien recruté à l'Université Yale en 2006 et auteur en moins de cinq ans de six articles dans les revues Science et Nature. Ces publications font état de découvertes majeures qui permettent la mise au point de l'architecture de l'ordinateur quantique.

En 2008, David Poulin a notamment démontré la nature quantique de systèmes à une échelle macroscopique de l'ordre du cm. Du point de vue pratique, selon l'éditeur de la revue Nature, cette découverte est aussi importante parce qu'on s'attend à ce que cette architecture joue un rôle crucial dans le développement de l'informatique quantique et des applications en communication quantique.

Dans quelques mois s'ajoutera au groupe Michel Pioro-Ladrière, un expérimentateur qui travaillait récemment à l'Université de Tokyo, une place forte de l'informatique quantique. À eux trois, ils formeront alors l'équipe de recherche sur la physique de l'informatique quantique qui couvrira tout le spectre des recherches sur le domaine. «Le Canada est clairement le meilleur pays en informatique quantique au monde. Il suffit de penser à l'Université de Waterloo, l'Université McGill, les universités de Montréal, Calgary ou Toronto, et bien entendu de Sherbrooke», confie David Poulin.

Parions qu'avec ces trois jeunes chercheurs épaulés dans leur département par de nombreux théoriciens et expérimentateurs experts de la physique quantique, Sherbrooke sera bientôt identifiée comme la meilleure université dans ce domaine en pleine expansion.